« La fragmentation du monde va créer des pénuries de matières, notamment sur les métaux rares, ce qui attise déjà les convoitises, comme Donald Trump lorgnant sur les ressources ukrainiennes », prévient Thibaud Moulin, de KYU Associés lors d’une table-ronde le 25 juin sur Top Logistics à Saint-Malo. La fin de l’abondance impose une transformation en profondeur des modèles industriels, jusqu’ici centrés sur la production de masse à bas coût. Désormais, la priorité est à l’optimisation des ressources.
« Chaque Français consomme environ 20 tonnes de matière par an. L’objectif de l’Ademe est de réduire ce chiffre à 10 tonnes d’ici 2050 », alerte François-Michel Lambert, ancien député et vice-président d’AIFREC (Association Interdisciplinaire Française pour la Recherche en Économie Circulaire). Réemploi, allongement de la durée de vie, reconditionnement deviennent les piliers d’une nouvelle économie fondée sur la gestion de stocks, et non plus sur la rotation continue des flux. Le secteur automobile incarne ce virage : « Nous allons passer de 2,9 à 1,3 million de voitures achetées par an en France, sans altérer la mobilité. Mais il faudra changer de cadre », ajoute-t-il.
Le numérique accélère la bascule. L’entreprise parisienne Elysis a développé la plate-forme « Scan & Recycle », qui inventorie les stocks dormants via QR Code pour éviter des achats inutiles. « On économise jusqu’à 30 % des ressources. L’idée est d’agir en amont », explique Vincent Senez, président d’Elysis, qui compte Engie et Air France parmi ses clients.
Cette mutation rebat aussi les cartes du transport. Le loueur de matériel Loxam s’organise dans un rayon de 50 km : « Nous travaillons sur l’intensification des usages, le reconditionnement et la valorisation des équipements », souligne Cédric Conrad, directeur du développement. Moins de flux longue distance, plus de rotation locale : la transition écologique s’accompagne d’une logistique repensée, au plus près des territoires.