Il ne se passe pas une semaine sans qu'une commune, une ville ou un tronçon de route soit interdit aux poids lourds, avec la bénédiction des préfets. Au moindre chantier, à la moindre chute de neige, c'est l'arrêté. Et les forces de l'ordre semblent faire preuve d'un zèle certain dans l'application de ces textes. TLF signale dans son dernier «Feuillet bleu» que, dans le Loiret, gendarmes et policiers verbalisaient les poids lourds sur l'ensemble du département, alors que l'arrêté préfectoral d'interdiction ne portait que sur deux arrondissements. L'anecdote pourrait faire sourire, si l'Etat, à son plus haut niveau, n'ajoutait pas à la confusion. L'arrêté fixant les interdictions complémentaires de circulation pour 2003 vient tout juste d'être publié, alors même que les premières vacances de février ont commencé et que sa mise en application concerne les week-ends des 15 et 22 février. De qui se moque t-on ? Comment un transporteur peut-il exercer son métier en toute sérénité si les règles du jeu changent tout le temps ? Un préfet ou un maire accepterait-il que les horaires des bus ou des trains varient en fonction de la température, de l'âge du capitaine ou de l'humeur d'un chef de gare ? Cette débauche d'énergie frise donc le ridicule et, plus grave, ajoute un sentiment de suspicion sur le transport routier qui ne va pas dans le bon sens. La route est un domaine public et il semble acquis depuis des temps immémoriaux que cet espace doit être partagé de manière équitable par le transport de passagers et le transport de marchandises. C'est le ciment même de la solidarité nationale qui est en jeu. Petit à petit, l'Etat se laisse pourtant dépouiller de cette nécessaire unité au profit d'intérêts locaux catégoriels et divergents. Il n'est pas sûr que le concept de décentralisation sorte vraiment gagnant de ces mesquineries.
Editorial