La frousse de voir Paris et ses faubourgs bloqués par des convois de poids lourds a intrigué une partie des Français, cette dernière semaine. Lesquels, devenus téléspectateurs attentifs, ont pu comprendre en regardant leurs journaux quotidiens de 20 h que le transport routier français traversait une crise aiguë. La hausse du prix du gazole, la difficulté à répercuter cette inflation, les différences de salaires entre conducteurs européens et la concurrence des pavillons étrangers sur le sol hexagonal ont été exposées, expliquées (parfois de façon claire) donnant à cette question traités habituellement dans le cercle professionnel une audience générale. En cela, le traitement médiatique donné à la protestation, relativement surprenant par son ampleur, est notable. Il interpelle à deux niveaux. Il indique d'abord que le mouvement a traversé les « frontières » des organisations professionnelles. Même si les convois ont été initiés par l'OTRE soutenue - dans un curieux attelage - par une région de l'Unostra, les participants à la manifestation assez pacifique n'étaient pas tous marqués d'une seule couleur. Et les sympathisants, apportant leur soutien moral et entendus ici ou là, étaient encore plus « multicarte ». Une lame de fond, évoquant la dureté des temps pour beaucoup de petites entreprises qui « n'ont plus rien à perdre », existe et ne saurait être ignorée par les représentants syndicaux. Il pose ensuite question sur la stratégie de l'OTRE. Quelle est-elle vraiment ? Le besoin d'être officiellement reconnue par les pouvoirs publics pousse la jeune organisation dans des opérations et des déclarations qui l'éloignent de... l'objectif visé. C'est à se demander si le refus répété du ministère de répondre favorablement à la requête ne sert pas l'image protestataire de l'OTRE, image utile dans sa quête d'adhérents. Laquelle peut dans le même temps miser sur un remaniement ministériel et prier pour le départ de Gilles de Robien. Mais rien ne dit que son successeur sera plus conciliant.
Editorial