Accéder à l’électrique grâce à un modèle basé sur l’usage. Ce financement géré comme une dépense courante, ou d’exploitation, a été retenu par les Transports Megevand Frères. Basée à Sillingy (74), la PME familiale haute-savoyarde s’est équipée d’un camion Volvo FM électrique ainsi. « Le passage à l’électrique n’est plus une question technologique mais financière », constate Laurent d’Arnal. Pour le directeur commercial de Volvo Trucks France, le principal enjeu est « d’alléger les contraintes financières pesant sur le transporteur ». Tel est le sens de la nouvelle offre du constructeur baptisée Battery-as-a-Service (BaaS). « Elle répond à ce défi en dissociant la propriété de la batterie (qui représente jusqu’à 40 % du prix du camion électrique, ndlr) du véhicule, et en transformant l’investissement en une charge mensuelle. Laquelle est calculée à l’usage au kWh mesuré via la télématique du véhicule », explique Laurent d’Arnal.
Sur ce principe, le loyer est fixe pour le châssis, avec les options sélectionnées, selon le financement « classique » choisi. A l’inverse, le loyer des batteries est variable. Ce modèle est « circulaire aussi », défend le directeur commercial. Spécialisée dans le recyclage et la revalorisation des batteries, la société Volvo Energy est intégrée à la boucle.
Véhicules : aides publiques à booster
Face à ce modèle financé par des dépenses d’exploitation ou OPEX, le transporteur peut préférer investir et acquérir ses véhicules électriques, batteries comprises. L’achat est supporté dans ce cas par des dépenses d’investissement ou CAPEX. Plusieurs aides sont à sa disposition via le dispositif des Certificats d’économie d’énergie (C2E).
Plusieurs distributeurs d’énergies, constructeurs de véhicules industriels, associations et organisations professionnelles proposent d’instruire les dossiers C2E pour les transporteurs ou d’intégrer directement ses aides publiques dans leur prix de vente. Leur montant s’élève « jusqu’à 5 000 € pour un utilitaire, 30 000 € pour un porteur et 64 000 € pour un tracteur », détaille Olivier Metzger, directeur des énergies alternatives de Renault Trucks. Pour la majorité des transporteurs, ce soutien est toujours considéré comme trop faible toutefois. Il ne représente qu’entre 20 à 30 % du prix d’un véhicule électrique qui s’établit à 300 000 € environ pour un tracteur. « L’électrique à batteries constitue l’une des solutions alternatives au diesel pour contribuer au verdissement de la flotte », déclare Erwan Celerier. « Bien que cette solution soit performante en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre à l’échappement, le coût d’acquisition des véhicules électriques est 3 fois supérieur à celui d’un thermique diesel équivalent. Or la capacité d’endettement des transporteurs est limitée et ne permet pas de supporter le triplement de la charge d’investissement », affirme le délégué aux affaires techniques, à l’environnement et à l’innovation de la FNTR.
Entre dépenses d’exploitation et d’investissement, le transition vers des véhicules électriques est à analyser au cas par cas. Le choix dépendra de la santé financière de l’entreprise, de son taux d’endettement et de sa trésorerie. « Son financement ne doit pas non plus reposer sur les transporteurs uniquement. Les chargeurs doivent y contribuer également », prévient Erwan Celerier citant l’idée d’une éco-contribution payée par les clients des transporteurs. Celle-ci participerait au financement de la transition vers l’électrique.
Bornes : OPEX ou CAPEX de nouveau
La question du financement se pose aussi pour les bornes de recharge. A l’instar de Volvo Trucks, Enerjump promeut le modèle Energy-as-a-Service par le biais de sa marque Watt Up, spécialisée dans l’électrique. « Nous proposons de mettre à disposition l’infrastructure de recharge à partir d’un audit personnalisé. Il analyse les flux et trajets du transporteur et ses besoins de charge », présente Arnaud Bilek, directeur général d’Enerjump. Cet audit terminé, cette dernière se charge ensuite de toutes les opérations : de l’installation à l’exploitation de la station électrique jusqu’à sa maintenance.
Ce schéma libère le transporteur de l’investissement des bornes pour un financement à l’usage à la place. Enerjump lui propose trois solutions dont l’utilisation des bornes de recharge électrique rapides (400 kW) au sein des stations-services publiques Watt Up. « Trois ont ouvert à Compans (77), Bordeaux (33) et Brive (19). L’an prochain, trois autres sont programmées à Chartres (10), Vitré (35) et Toulouse (31) sur le site d’Eurocentre », confie Arnaud Bilek. Le transporteur peut décider d’installer sa station de recharge électrique sur son site (offre Speed Up). Il peut enfin autoriser sa mutualisation avec tous les adhérents de Watt Up (offre Meet Up), allégeant du coup le financement de sa station électrique.
Plus de 1 000 points de charge co-financés
La gestion, l’exploitation et la maintenance déléguées font partie des services proposés par la plupart des installateurs de station de recharge électriques. La pose de bornes par ces professionnels sur le site d’un transporteur permet aussi de bénéficier d’aides publiques via le programme Advenir. A fin mars, « 1 % seulement de ses financements ont concerné des poids lourds », rapporte Pierre de Boucaud, son responsable adjoint. Sur le millier de points de charge (1 029) co-financés par le programme à hauteur de 6,65 M€, 55 % sont en Ile-de-France, Auvergne-Rhône Alpes et en Nouvelle Aquitaine. « Le financement des bornes de recharge électrique pour poids lourds sur site devient une cible avec le décollage des immatriculations », affirme Claude Renard, coordinateur ZFE et IRVE au sein de la DGEC. En témoigne la croissance de 47 % des entreprises accompagnées au premier trimestre par rapport à la même période 2024.
Les aides Advenir destinées aux transporteurs routiers vont de 2 200 à 15 000 € par point de charge pour les infrastructures inférieures à 500 kVA (kilovoltampère qui mesure la puissance électrique d’un site). Au-delà, elles s’élèvent entre 100 000 et 960 000 € par pallier, en fonction de la puissance du nouveau point de livraison (PDL) proposé par Enedis.
Pour Laurent Porati de Chargepoly, leader déclaré de la recharge rapide en dépôt en France, « les aides ont un effet booster auprès des transporteurs qui veulent aménager une infrastructure de recharge ». Sur la question de son financement, le directeur commercial estime que plusieurs critères sont à intégrer tels que, notamment, « les usages et activités du transporteur, le nombre de véhicules électriques, la capacité ou non à mutualiser l’installation, la nature du site et sa possible évolution ».
Itinérance : nouvelle aide publique
En juin, la France comptait 35 stations-services électriques publiques destinées aux véhicules lourds dont les camions. « Fin 2023, il n’en existait aucune et un doublement est prévu cette année » selon Claude Renard, coordinateur ZFE et IRVE au sein de la DGEC. Quelques corridors qualifiés de « satisfaisant » apparaissent comme sur l’axe Paris-Lyon et « la majorité des opérateurs de stations publiques annoncent leur volonté d’augmenter leur puissance disponible ». Jusqu’à cet été, la principale source de financement publique pour ces stations électriques en itinérance était européenne. Elle était issue des appels à proposition du Mécanisme pour les infrastructures de carburants alternatifs (AFIF)*. Dotées au total d’un milliard d’euros, trois relèves sont prévues entre 2024 et 2026. Fin 2024, 7 opérateurs ont été retenus sur le territoire français et 10 candidats ont postulé lors de la deuxième relève close mi-juin. Les financements ciblent les stations-services en carburants alternatifs, dont électrique, le long du réseau de transport transeuropéen (RTE-T).
Depuis le 1er juillet, le programme Advenir propose une nouvelle prime à destination des points de charge indépendants ouverts au public, hors pétroliers et de la GMS. Selon la puissance installée, ces aides s’élèvent entre 1 700 et 25 000 € par point de charge.
*Lancés dans le cadre du règlement européen sur le déploiement des infrastructures de recharge pour carburants alternatifs (AFIR)