Cyril Gardien (Gardien Transports), lauréat de l'Étoile de la PME 2025 : une gestion sur-mesure tout en investissant dans l’avenir

Pour pérenniser et développer l’entreprise familiale qui a su remonter la pente après la crise de 2008-2010, Cyril Gardien, lauréat des Étoiles du Transport 2025, applique une gestion sur-mesure tout en investissant dans l’avenir. Explications.

Crédit photo David Boschet
Pour pérenniser et développer l’entreprise familiale qui a su remonter la pente après la crise de 2008-2010, Cyril Gardien, lauréat des Étoiles du Transport 2025, applique une gestion sur-mesure tout en investissant dans l’avenir. Entretien.

L’entreprise a été créée en 1988 par votre père, avec un seul camion. Pouvez-vous retracer l’histoire de la société ?
L’entreprenariat était déjà dans l’histoire de la famille. Mon père, Patrick, avait en effet lui-même repris l’activité commerce de bestiaux de son père, Charles, à la fin des années 70, qui incluait du transport. Passionné de camion, mon père Patrick, accompagné de ma mère Patricia, a créé une structure de transport en mars 1988 sous le nom de Sogarpac, qui est devenue Gardien Transports en 2021. En 1988, le premier camion de l’entreprise était un camion porte-voiture. Il s’agit de l’activité historique de l’entreprise. Rapidement, nous avons complété notre offre de services avec d’autres activités : marchandises générales (en fourgon et en bâché), navettes messagerie, vrac que nous opérons principalement en bennes fonds-mouvants et en bennes classiques. Depuis sa création, l’entreprise a suivi une croissance régulière sur ces activités avec un dépassement du seuil des 50 salariés en 2006 et du seuil des 10 M€ de chiffre d’affaires en 2010. En 2023, nous avons repris l’entreprise avec ma sœur Oriane. Nous réalisons aujourd’hui un peu plus de 18M€ de chiffre d’affaires et nous employons 150 salariés.

La société a été fortement touchée par la crise des subprimes à partir de 2008. Comment avez-vous redressé la pente ?
L’entreprise a été sérieusement secouée par cette crise et mise en redressement judiciaire en novembre 2010. C’est durant la période d’observation que j’ai intégré l’entreprise, en novembre 2011. Un plan de continuation, validé en juillet 2012, a été clôturé en 2022. Les salariés de l’entreprise se sont pleinement engagés dans cette mission de pérennisation de la société. Nous avons beaucoup travaillé sur la maîtrise des coûts, et notamment sur l’optimisation de nos consommations de carburant. Cette méthode a été un fil rouge pendant cette période critique et elle reste pour nous un indicateur majeur aujourd’hui. Nous avons introduit la notion de frugalité dans l’entreprise, c’est-à-dire la volonté d’utiliser le juste niveau de moyen pour réaliser notre mission. Dans le transport, les marges sont tellement fines qu’on ne peut pas se permettre de surconsommer, et pas seulement niveau carburant. Ce travail d’optimisation a concerné tous les postes de dépenses.

Quels sont aujourd’hui les leviers du développement de Gardien Transports ?
Après avoir intégré Tred Union en 2019, fait évoluer notre dénomination sociale en 2021 en renommant l’entreprise Gardien Transports, avoir clôturé notre plan de continuation en 2022, notre stratégie a évolué d’une phase stratégique défensive visant à pérenniser l’entreprise et l’ancrer dans le temps long, à une phase plus ambitieuse pour répondre aux exigences toujours plus fortes de nos clients, en termes de qualité, de réactivité, de connectivité, d’agilité et évidemment de décarbonation. Nous souhaitons nous positionner vis-à-vis de nos clients comme un partenaire transport fiable, capable de leur proposer une offre d’organisation de transports efficace et à impact carbone réduit.

Sur la décarbonation justement, quelle stratégie avez-vous déployée ?
Pour nous, la logique environnementale a commencé par la logique d’optimisation de nos carburants : nous devions réduire la consommation. Nous avons créé un poste de formateur dès 2012 et mis en place des outils d’informatique embarquée sur l’ensemble de notre flotte. Nous avons signé la charte Objectif CO2 en 2017 et avons été labellisé en 2020 puis renouvelé en 2024. En complément, sous l’impulsion de notre groupement Tred Union, nous avons fait un bilan carbone en 2022 et il en est ressorti qu’en matière de consommation de carburant, nous étions plutôt vertueux. Et pourtant, malgré cette efficacité, le bilan carbone montrait que le carburant représentait plus de 70% de nos émissions. Même si nous avions introduit des énergies alternatives dès 2020, bien en amont de ce bilan, nous avons eu un déclic. La réduction de nos émissions passera par un changement de carburant. Il était important d’être solide sur les fondamentaux que sont la consommation du parc, les kilomètres à vide et le taux de remplissage. Mais, en parallèle, il était indispensable de les coupler à un changement de carburant pour atteindre les objectifs attendus. Nous avons donc accru le recours aux énergies alternatives.

Quelles sont les énergies alternatives que vous proposez à vos clients ?
Nous avons commencé à utiliser des énergies à impact carbone réduit dès 2020 avec le HVO d’abord, puis le B100 en 2022. Et nous allons lancer l’électrique. Nous avions répondu à un appel à projet de l’Ademe et nous attendons la livraison de deux véhicules électriques pour la fin de l’année. Parallèlement, nous investissons sur notre site de Beaumetz-lès-Loges. En plus de l’agrandissement de notre parking qui nous permet désormais de stationner 100 poids lourds, nous avons revu toute notre partie de distribution de carburants B7, B100 et HVO, avec des cuves dédiées à chaque énergie et enterrées pour un haut niveau de sécurité. Début 2026, nous disposerons d’une station de recharge électrique rapide pour poids lourds. Nous avons intégré le réseau Alphya porté par H2P. Nous allons par ailleurs couvrir l’ensemble de nos bâtiments en panneaux photovoltaïques. Par cette diversité d’offres d’énergies, nous souhaitons accompagner nos clients et être acteur de leur décarbonation. Le mot « décarboner » peut faire un peu peur. L’idée est de démythifier ce sujet et de montrer que même si c’est plus cher, ça reste accessible. Dans cette démarche, toutes nos offres de prix sont désormais multi-énergies et le client choisit ce qui lui convient. En parallèle des énergies alternatives, nous développons une offre en transport combiné via le rail. Notre volonté est d’être l’interlocuteur transport de nos clients capable de répondre à l’ensemble de leurs besoins. Nous avons ainsi développé un simulateur interne d’émissions carbones compilant l’ensemble des énergies alternatives (B7, B100, HVO et électrique) et le mode de transport alternatif rail-route.

Comment appréhendez-vous le coût que représente l’utilisation de poids lourds électriques ?
L’électrique est l’énergie qui nécessite le plus d’engagement. Avec le HVO par exemple, on change uniquement le carburant. Il coûte un peu plus cher mais on ne change pas de camion. L’enjeu en termes de risque sur l’achat du véhicule est maîtrisé. Il s’agit toujours d’un véhicule thermique. En revanche, pour le camion électrique, c’est un investissement trois fois plus important pour un véhicule aux usages limités. Le coût fixe du véhicule s’accroît donc, et est partiellement compensé par le coût variable qui, lui, est plus favorable que pour un véhicule thermique. Un engagement client pluriannuel est donc quasi indispensable. Nous avons fait des démonstrations de véhicules électriques et nous nous sommes rendu compte que cette énergie pouvait pleinement répondre à certains besoins. Nous nous attachons donc à échanger précisément avec nos clients sur leurs besoins et de construire en toute transparence avec eux.

Vous misez sur une politique RH axée sur l’intégration et la fidélisation. Comment se déploie-t-elle ?
Nous sommes une PME familiale et nous attachons de l’importance à connaître nos salariés, à échanger avec eux, à les accompagner pour les fidéliser et avoir les bons Hommes pour réaliser nos prestations. Depuis la création, nous formons énormément les salariés, nous intégrons des jeunes conducteurs, des alternants. Pour concrétiser et mettre en avant ces actions, nous avons signé en 2020 la charte Ambassadeur de l’emploi transport et logistique de l’AFT dans les Hauts-de-France. Nous avons accéléré l’intégration des jeunes, avec une trentaine de conducteurs formés chaque année entre 2020 et 2024. Face aux énormes besoins de recrutement dans le secteur du transport, nous partons du principe que nous devons faire notre part du travail. En parallèle de la formation, nous avons aussi lancé d’autres événements pour promouvoir les métiers du transport et créer des vocations comme une journée portes ouvertes ou la quinzaine de la découverte qui a lieu chaque année. Il s’agit d’une période de 15 jours, pendant les vacances d’avril, où nos salariés, principalement les conducteurs, peuvent faire découvrir leurs métiers à des personnes de leur choix. Enfin, nous avons bâti 600m2 de bureaux sur notre site de Beaumetz-lès-Loges pour installer nos salariés sédentaires dans de bonnes conditions de travail. Nous allons réhabiliter nos anciens locaux en salle de détente. Ainsi, en 2026, nous proposerons des ateliers « bien-être » type yoga et renforcement musculaire dans un cadre confortable et convivial.

La croissance de l’entreprise est-elle uniquement organique ? Cherchez-vous également de la croissance externe ?
Chez Gardien Transports, nous n’avons fait jusqu’à présent que de la croissance organique. Nous sommes mono-site, à Beaumetz-lès-Loges, mais nous disposons aussi de conducteurs délocalisés, que nous gérons à distance, ce qui nous permet de positionner des véhicules un peu partout sur le territoire, selon la demande des clients et la contrainte de certains flux. Notre volonté était d’abord d’assainir notre situation et d’avoir un socle solide. Nous ne sommes pas fermés à l’idée de croissance externe. Pour le moment, nous sommes focalisés dans la transformation de nos process en lien avec le changement de logiciel, afin d’obtenir la meilleure efficacité possible. La croissance externe peut être amenée à se poser si on a des besoins sur une zone géographique ou sur un métier en particulier, et si se présente une société avec des valeurs communes aux nôtres et des fondamentaux solides. Néanmoins, notre souhait est avant tout de pérenniser l’entreprise dans le temps et de ne pas faire la course au chiffre d’affaires. Nous voulons maintenir nos marges, et prester de la qualité à nos clients.

Au regard de la conjoncture compliquée, comment se porte votre activité ?
La période juste après le Covid a été très bonne mais l’activité a connu un gros ralentissement en 2024. Le PIB étant quasi à 0, les flux se réduisent, et donc l’activité transport en pâtit. Surtout, nous sortions d’années où la demande était supérieure à l’offre. Fin 2023, les choses se sont un peu rééquilibrées et l’activité a ralenti, surtout au 1er trimestre 2024, ce qui s’est malheureusement immédiatement ressenti sur les prix. Et à partir de mars, les volumes sont remontés, l’activité restait basse mais on sentait malgré tout de la tension pour trouver des véhicules sur le marché. Idem en 2025. Mais, entre-temps, les tarifs, à quelques exceptions près, n’ont pas évolué normalement. Comme tous nos confrères, nous avons fait le dos rond. Une chose est certaine : rien dans notre compte de résultat ne peut nous permettre d’envisager des baisses de prix. L’ensemble des coûts hors carburant continuent d’augmenter : salaire, assurances, coût véhicule, maintenance, fiscalité… Les tarifs étant indexés sur le coût du carburant, nos clients profitent de la baisse de l’énergie. Pour le reste, les challenges environnementaux auxquels nous faisons face en termes de réduction des émissions de CO2 nous imposent d’investir lourdement. Le prix du transport va mécaniquement continuer d’augmenter.

 

Dates clés :

-1988 : création de l’entreprise par Patrick et Patricia Gardien
-1992 : installation à Beaumetz-lès-Loges
-1994 : lancement activité fonds mouvants – vrac
-2011 : entrée dans l’entreprise familiale
-2017 : charte CO2
-2019 : adhésion au groupement Tred Union
-2020 : label CO2 et charte Ambassadeur de l’emploi
-2021 : nouvelle identité visuelle et dénomination Gardien Transports
-2022 : fin du plan de continuation
-2023 : reprise de l’entreprise avec sa sœur Oriane Bonnard

 

 

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